Oui, rendons à Dieu ce qui est à Dieu !
21 oct. 2014Homélie du 29e dimanche du temps ordinaire A 14.
Jésus a vécu dans un contexte social, politique et religieux complexe et explosif. Dans son pays voisinent des groupes farouchement opposés...Ainsi les armées romaines occupent la terre sainte et, en face, la résistance juive est très active, représentée en particulier par les zélotes qui usent de violence et refusent de payer l’impôt...tandis que les hérodiens, au contraire, s’appuient sur le pouvoir romain pour conserver leurs privilèges...alors que les pharisiens s’emploient à sauvegarder la liberté religieuse en s’accommodant plus ou moins des autorités politiques en place...ils acceptent, eux, de payer l’impôt romain.
Une délégation de pharisiens vient donc trouver Jésus, non pour lui demander conseil, mais pour le piéger...Elle lui pose une question diaboliquement habile qu’elle a longuement peaufinée à son intention « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? »...S’il répond « oui » il sera accusé de collaboration avec l’occupant et perdra toute popularité auprès de peuple qui attend un Messie chassant l’envahisseur...S’il répond « non »il sera accusé de rébellion contre les autorités et sera dénoncé comme séditieux ...on pourra le faire arrêter.
Jésus ne se laisse pas enfermer dans le piège qui lui est tendu...il s’en dégage et le referme sur ses adversaires...il les invite d’abord à montrer ce qu’ils ont en poche et à regarder l’image de l’empereur qu’ils portent sur eux...Sur les pièces de monnaie romaine il y a l’effigie de l’empereur avec une inscription de ce type « Tibère César, fils du divin Auguste »...Les pharisiens qui prônent la stricte observance des lois de Moïse, ne respectent donc pas les paroles du Sinaï « Tu ne te feras pas d’idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux ou en bas sur la terre (Ex 20/4) »...Ils portent sur eux l’image de l’empereur divinisé...Après avoir fait remarquer cela aux pharisiens, il leur dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
La réplique de Jésus est devenue proverbiale. On la comprend souvent comme s’il demandait à ses disciples de ne pas prendre parti dans les affaires temporelles...Sa réponse est infiniment plus complexe. « Rendez à César ce qui est à César » dit plusieurs choses... Certains attendaient de Jésus qu’il s’oppose à l’empereur et qu’il prenne le pouvoir...Or il a passé une partie de son ministère public à fuir ceux qui voulaient faire de Lui un roi ou imaginaient qu’il deviendrait un libérateur terrestre par la violence...En disant de rendre à César ce qui lui revient, Jésus confirme que son intention n’est pas de prendre le pouvoir...Il vient pour autre chose...Il vient pour changer les cœurs, appeler à la conversion... Son Royaume n’est pas de ce monde et il n’est pas concurrent de l’empereur. César, l’empereur, est celui qui doit organiser la vie sociale. En demandant de rendre à César...Jésus demande à ses disciples d’être présents, activement, à la vie du monde pour participer à le rendre plus beau, plus juste, plus fraternel...
St Paul écrivait aux Thessaloniciens « Votre foi est active, votre charité se donne de la peine »...Cela veut dire que nous devons aimer notre lieu de vie, notre lieu de travail, notre cité, notre pays...que nous devons contribuer à ce qu’y règne un climat de respect, d’entraide, de service réciproque, de partage...que nous devons participer aux débats de notre société pour qu’ils aboutissent à des orientations servant la dignité de chacun...Il est même indispensable que certains s’engagent dans l’action politique qui est, par définition, un service de la communauté humaine. Le concile Vatican II enseigne « que les catholiques compétents en matière politique, affermis comme il convient dans la foi et la doctrine chrétienne, ne refusent pas la gestion des affaires publiques, car ils peuvent par une bonne administration travailler au bien commun » (Décret sur l’apostolat des laïcs No 14).
D’autre part Jésus introduit une distinction dans le monde antique...L’empereur se prenait pour Dieu...en disant de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu...Jésus affirme que César n’est que César...il n’est qu’un homme...au-dessus il y a Dieu...Dieu est le créateur de César...C’est pourquoi les premiers chrétiens refusaient, parfois au prix de leur vie, de vénérer l’empereur comme s’il était Dieu. « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu »...cette phrase est le sommet de l’évangile de ce jour. Toute sa vie Jésus a proclamé cette vérité : nous devons être constamment tournés vers Dieu. Nous sommes marqués de l’effigie de Dieu, de son image et nous devons être constamment tournés vers Lui...Tournés vers Lui pour affermir l’Alliance entre Lui et nous...pour être imprégnés de sa présence, de son dynamisme....Tournés vers Lui pour être à son écoute et nous laisser façonner par sa Parole...Tournés vers Lui pour accomplir la mission qu’il nous donne dans le monde.
Oui, rendons à Dieu ce qui est à Dieu...soyons résolument tournés vers lui pour sa joie et pour la nôtre.
Père Michel Marie