Le champs, le bon grain, l'ivraie et..nous.
29 juil. 2014Homélie du 16e dimanche du temps ordinaire A 14.
Cette image du bon grain et de l’ivraie est percutante...Il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour nous rendre compte qu’elle nous décrit assez bien...Nous sommes chacun à l’image de ce champ dans lequel ont été semés à la fois du bon grain et de la mauvaise herbe.
Ne sommes-nous pas un tissu de contradictions...ainsi nous rêvons de fraternité et nous sommes parfois, ou souvent, indifférents ou méprisants ...nous rêvons de paix et nous semons la discorde...nous voulons être considérés avec bienveillance et nous sommes critiques, sévères envers les autres....nous voudrions aimer et nous nous comportons avec égoïsme...Comme disait St Paul « Je fais le mal que je ne voudrais pas faire et je ne fais pas le bien que je voudrais faire ».
Si la parabole nous décrit bien, combien décrit-elle aussi parfaitement notre monde où se côtoient le bien et le mal, les actions les plus belles et les plus odieuses...notre monde où il nous semble que le mal prolifère et l’emporte sur le bien...Mais d’où vient tout ce mal ?...Certes des décisions de l’homme qui utilise mal sa liberté...mais ce n’est pas tout. Dans l’évangile de ce jour, et bien d’autres fois, Jésus démasque un ennemi...l’Ennemi...l’esprit du mal, l’adversaire, le Satan dont le nom signifie « Celui qui se met en travers »...Son plus grand exploit est souvent de faire croire qu’il n’existe pas...Jésus le démasque comme semeur de zizanie dans le monde...il sème le doute, l’incroyance, la jalousie, la haine et tout leur cortège de violence...le découragement.
Paul VI en parlait ainsi « Le mal n’est pas seulement une déficience, il est le fait d’un être vivant, perverti et pervertisseur...cet être obscur et troublant existe vraiment et il est toujours à l’œuvre avec ruse et traîtrise » et Benoit XVI « Le diable est, pour la foi chrétienne, une présence mystérieuse mais bien réelle, personnelle et pas seulement symbolique ». Nous aimerions bien que Dieu intervienne avec éclat pour nettoyer la planète. C’était le souhait de Jean-Baptiste qui espérait un Messie violent qui ferait un tri radical dans le monde.
Mais la violence n’est pas la méthode de Dieu. Il veut que les hommes en viennent par eux-mêmes à faire bon usage de leur liberté pour accueillir et écouter sa Parole...et non celle de l’Ennemi... La Parole de Jésus de ce jour ouvre sur une perspective d’espérance. Ce n’est pas le mal qui aura le dernier mot...mais l’amour de Dieu. Son Royaume, tel un arbre qui abrite tous les oiseaux, rassemblera tous les hommes...et tel un levain qui soulève la pâte il soulèvera l’humanité vers une plénitude d’amour et de paix. Entre la venue de Jésus, temps des semailles, et le temps de son retour, temps de la moisson « Où les justes resplendiront comme le soleil » dans le Royaume de Dieu accompli...il y a le temps de la patience de Dieu...
Le livre de la Sagesse dit « Ta domination sur toute chose te rend patient envers toute chose...Toi qui dispose de la force tu juges avec indulgence...tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement » Dieu a horreur du péché qui défait l’homme...mais il aime fidèlement le pécheur dont il espère toujours qu’il finira par comprendre ce qui est bon pour lui...et par déjouer les pièges de l’ennemi qui veut l’induire en erreur...Il redonne constamment à chacun sa chance pour qu’il devienne le saint qu’il est appelé à être... Le Seigneur est patient envers tous...il nous appelle à la patience envers nous-mêmes...
En chacun de nous s’entremêlent le bon grain et l’ivraie...les ombres et les lumières...la générosité et la lâcheté...Le Seigneur nous appelle à la patience...et patience ne signifie pas passivité mais combativité...Nous avons chaque jour à vivre le combat spirituel pour recommencer chaque jour à faire ce que le Seigneur attend de nous...et d’abord à le mettre au cœur de notre vie...le combat spirituel contre l’ennemi qui cherche à se mettre en travers sur notre chemin de foi ...à nous détourner...à nous décourager...à diviser...
Temps de la patience avec nous-mêmes...et envers les autres...La bible parle souvent de la patience de Dieu pour dire qu’il espère toujours en l’homme...qui finira bien par donner le meilleur de lui-même...ainsi doit être notre patience envers les autres...et cette attitude est essentielle...combien de personnes sont renouvelées parce que quelqu’un leur a manifesté de la confiance...
Temps de la patience aussi envers l’Eglise...nous voudrions qu’elle soit parfaite, exempte de toute médiocrité...mais l’Eglise que nous sommes, que nous contribuons à faire ce qu’elle est, n’est pas un club de parfaits, mais un rassemblement de malades spirituels en voie de guérison grâce à ces remèdes que sont les sacrements...sans oublier celui de la Réconciliation...la prière et l’aide fraternelle que nous pouvons nous apporter les uns aux autres...le pape François disait récemment à des prêtres : « L’Eglise, nous pouvons l’imaginer comme un « hopital de campagne. Excusez-moi, je le répète parce que je la vois comme cela, je la sens comme cela : un hopital de campagne ». Il faut soigner les blessures ! Tant de blessures ! Tant de blessures ! Il y a tant de personnes blessées par les problèmes matériels, par les scandales même dans l’Eglise, des personnes blessées par les illusions du monde...et il existe des blessures cachées...il y a des personnes qui s’éloignent pour ne pas montrer leurs blessures, parce qu’elles ont honte que l’on voie leurs blessures ». Nous devons construire une Eglise où l’on soigne les blessures des uns et des autres.
Temps de la patience pour devenir ce que le Seigneur veut que nous soyons...temps de la patience envers les autres et envers l’Eglise pour la faire devenir ce que le Seigneur veut qu’elle soit...temps du combat qui dépasse nos seules forces. Comme nous y invite St Paul ouvrons-nous à l’Esprit-Saint « qui vient au secours de notre faiblesse ».
Père Michel Marie.