Homélie du 3e dimanche de Pâques A 14.

Une des plus belles pages de la Bible ! Pleine d’humanité et pleine de lumière ! Sur le chemin qui s’éloigne de Jérusalem, deux disciples, tout en marchant, partagent leur déception...Ils avaient espéré en Jésus...mais sa mort sur la croix l’a complétement discrédité et le silence de Dieu désavoué...Autant rentrer chez soi et tenter de reprendre la vie comme avant cette rencontre si décevante !

Mais voilà...discrètement dans le soir tombant, un inconnu s’approche, venu on ne sait d’où, se mêle à leur conversation, les amène à exprimer leur désarroi « de quoi causiez-vous donc ? »...Il en est toujours ainsi, Jésus vivant nous rejoint dans tout ce qui fait notre vie, nos bonheurs, nos échecs...Nous ne pouvons d’ailleurs le rencontrer qu’à partir du moment où nous l’accueillons dans ce qui fait nos vies... Cleopas avoue clairement l’objet de son scandale : Jésus était impressionnant, fort. Il parlait comme un prophète...et pas pour ne rien dire ! Un personnage charismatique qui aurait été capable de libérer Israël de l’occupant...Mais en quelques heures tout a basculé. Il a été arrêté, jugé, condamné, mis à mort par un supplice humiliant, un supplice d’esclave, cloué en croix ! Un échec terrible ! Pourtant une lueur dans cette ténèbre : un récit étrange fait par des femmes. Au matin elles sont allées au tombeau et l’ont trouvé vide...chose inexplicable !...et des anges se sont manifestés disant qu’il est vivant...Vrai ou faux ?...Toujours est-il que les femmes ne l’ont pas vu, lui, alors que croire ?

Mais l’inconnu, au lieu de poursuivre l’enquête, s’arrête à la source de leur doute...à l’incompatibilité radicale entre messianisme et souffrance...deux réalités qui s’excluent comme l’eau et le feu...Comment Dieu pourrait-il se manifester dans l’humiliation de la croix, lui le tout-puissant ? C’est sur ce point que l’inconnu contre-attaque...il fait deux heures de catéchèse, en s’appuyant sur Moïse et les prophètes...on aimerait connaître les textes qu’il a commentés !...peut-être ce texte d’Isaïe évoquant un mystérieux serviteur de Dieu : « Voici que mon serviteur triomphera, il sera haut placé, élevé, exalté à l’extrême. De même que les foules ont été horrifiées à son sujet – à ce point détruite, son image n’ était plus celle d’un homme- de même à son sujet des foules vont être émerveillées » (Is 52/13-14)...peut-être cette autre parole d’Isaïe « Dans ses blessures se trouvait notre guérison » (53/ 5)...

Deux heures pour montrer qu’il fallait que le Messie passe par une fidélité radicale, traversant même la souffrance, pour entrer dans la gloire...

Deux heures de catéchèse pour expliquer que l’amour vécu jusqu’au bout de la souffrance et de la mort est source de vie...pour expliquer que l’obstacle vécu avec amour et dignité devient tremplin...levier...que la blessure vécue avec amour devient fontaine...et la mort passage vers la vie...

Ces deux heures passent comme hors du temps...et voilà que l’inconnu esquisse un mouvement exprimant son désir de poursuivre son chemin...où veut-il aller ?...Mais vers tous les hommes bien sûr ! Car le chemin d’Emmaüs fait le tour du monde et passe par tous nos lieux de vie...Les disciples le retiennent...alors l’inconnu entre dans la modeste auberge...il refait les gestes et redit les Paroles du jeudi-Saint...aussitôt les disciples le reconnaissent...Le peintre Rembrandt a magnifiquement saisi cette rencontre sur la toile....et aussitôt il disparaît à leur champ de vision : il appelle un autre regard, le regard intérieur, celui du cœur, celui surtout de la foi !

Nous sommes conviés à le reconnaître nous parlant toujours lorsque nous lisons les Ecritures, seul ou en assemblée...à le reconnaître dans la célébration Eucharistique où il nous met en communion avec la réalité de son corps glorieux...Mais nous ne faisons pas seulement route avec lui sur le chemin protégé de la célébration...

Nous sommes conviés à prendre souvent conscience de sa présence à nos côtés dans le quotidien...cheminant avec nous pour nous conduire vers une vie toujours plus belle...nous rejoigant dans nos moments difficiles pour nous donner sa force et nous faire passer du désespoir à l’espérance... A peine les disciples ont-ils reconnu Jésus qu’ils rentrent à Jérusalem pour raconter ce qui leur est arrivé...La joie de la rencontre de Jésus ressuscité ne se garde pas pour soi seul...elle se partage...Chaque fois que nous parlons de Jésus ressuscité à quelqu’un nous l’invitons à prendre conscience de sa présence et à vivre lui aussi de la rencontre avec lui. Le retour à Jérusalem est aussi la reconstitution de la communauté qui s’était dispersée...Le groupe des disciples était éclaté, il se reforme...la foi commune en Jésus ressuscité est ferment d’unité...appel à l’unité...

Nous qui sommes rassemblés par la foi en Jésus vivant combien devons-nous devenir un peuple fraternel, vivant une authentique communion dans le respect, l’écoute, le partage...

Bonne route d’Emmaüs à chacun(e) de nous dans la foi en Jésus vivant, dans une amitié de tous les jours avec lui, dans le souci du partage de la Bonne Nouvelle et de la communion fraternelle... « Reste avec nous, Seigneur ».

Père Michel Marie

Reste avec nous, Seigneur !
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