Portrait de Soeur Brigitte Dessere, responsable de la Communauté des Sœurs de Saint François d'Assise de Deauville.
06 juil. 2025J’ai eu le bonheur d’interviewer cet été, Sœur Brigitte Dessere, la responsable de la Communauté des Sœurs Franciscaines de Deauville. Avec une foi indéfectible pour le Seigneur, conduite par son « désir fou de suivre le Christ », elle se consacre entièrement au service, à l’accompagnement et aux soins des autres. Son parcours est semé de grâces divines. A commencer par celle-ci : elle est arrivée dans la Communauté le 11 août 2024, jour de la fête de Sainte Claire et a fait son 1er conseil de Fraternité le 2 octobre, pour la Saint François. Des synchronicités aussi belles ne peuvent être que le fruit d’une bénédiction divine. Découvrez son histoire, plongez dans son récit inspirant !
Sr Brigitte, pouvez-vous nous rappeler votre parcours de mission s’il-vous-plaît.
J’ai toujours été enthousiasmée à l’idée de répondre aux appels qui m’ont été faits. J’ai commencé ma carrière comme vendeuse dans une quincaillerie, puis comme femme de ménage et aide-soignante dans une clinique. Une fois dans la vie religieuse, mes supérieures m’ont demandé à me former et j’ai été infirmière en chirurgie thoracique et vasculaire, puis j’ai fait partie de l’équipe de direction d’une maison d’accueil franciscaine : la Clarté Dieu à Orsay tout en étant dans l’équipe des vocations. Depuis 45 ans, dans la congrégation des Sœurs de Saint François d’Assise, je me consacre à sa mission : le soin, l’accompagnement des personnes, jeunes et moins jeunes, en recherche vocationnelle. Pendant 10 ans, j’ai été formatrice, guidant de jeunes sœurs, du postulat aux vœux définitifs, ce qui m’a apporté une grande joie. J’ai également emmené des jeunes dans les pays de la Bible, sac à dos, avec un Frère Franciscain, pendant 14 ans. Plus récemment et pendant 10 ans j’ai été supérieure régionale pour les Sœurs Franciscaines de l’Alsace au Pays basque, représentant environ 130 sœurs réparties dans une quinzaine de fraternités. En 2024, j’ai été nommée à Deauville.
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec la personne de Jésus puis de votre engagement chez les Sœurs Franciscaines ?
Oui, ma rencontre avec le Christ a été marquante. Issue d’une famille pauvre mais aimante, mes parents nous ont élevés, mon frère et moi, avec dignité et respect des valeurs humaines. Bien qu’ils aient la foi, ils n’étaient pas pratiquants. J’ai été très influencée par mon oncle, religieux dans une école chrétienne. Il a présidé à la décision de ma vie religieuse, sans qu’il le sache. Je rêvais de fonder une famille nombreuse avec 8 enfants. Cependant, en guidant des jeunes filles vers leurs vœux définitifs, j’ai découvert une autre forme de maternité. Dieu a beaucoup d’humour. A 19 ans, la mort soudaine de mon oncle, m’a plongée dans un chagrin immense. Lors de son enterrement, effondrée et en larme, j’ai distinctement entendu une voix intérieure, me dire avec fermeté : « Suis-moi ». Je pensais que j’allais mourir et suivre mon oncle dans la terre. J’ai lutté entre la vie et la mort, continuant à soigner les malades lorsqu’un trait de feu m’a traversé le corps et j’ai compris que le Christ m’avait rejointe. Cette expérience a marqué le début de ma vocation.
Un jour, en travaillant dans une clinique, une patiente souffrant atrocement d’artérite, m’a suppliée de mettre fin à ses souffrances. J’étais atterrée et impuissante. C’est alors que, dans mon extrême détresse, unie à la sienne, j’ai vu en superposition de son visage, le Christ en croix ! le lendemain matin, elle était décédée. J’étais au continuel croisement de la vie et de la mort. Entre 17 et 19 ans, je cherchais une orientation à ma vie et j’ai rencontré des jeunes en quête de sens. Je les fréquentais, ils me confièrent leur dégout de vivre et ils se droguaient ! J’étais sereine, sans aucune envie d’en faire autant. Je me suis mise à leur parler avec passion de Dieu, de l’Espérance, de la Vie ! C’était une grâce inattendue, ne me connaissant pas évangélisatrice. Après la mort de deux jeunes d’overdose, une jeune femme de la bande, me confia être enceinte. Elle était droguée, son ami aussi. Elle me pressait de savoir quoi faire… Je ne savais que répondre… tout à coup, le Christ de l’évangile de Saint Jean mit à mon insu sa parole dans ma bouche et je lui dit, moi-même abasourdie : « ma vie, je vais la donner pour toi ! ». Ce fut pour moi un ouragan, un arrachement définitif et c’est là que j’ai décidé de devenir religieuse, ce qui a donné un sens à ma vie.
Entre 19 et 22 ans, un véritable tsunami spirituel m’a tournée vers le Seigneur. Je voulais entrer au Carmel, dans un monastère. Mais Dieu avait d’autres plans. Une collègue et amie, à la clinique, pensait devenir franciscaine… mais est tombée amoureuse. Elle culpabilisait de ne plus pouvoir suivre les pas de Saint François. Le Seigneur s’est servi d’un trait de mon caractère et d’une générosité impétueuse… je lui ai proposé de prendre sa place. Je pensais entrer chez les sœurs de Saint François du Puy en Auvergne puis, poursuivre mon rêve monastique en rejoignant les Clarisses. Mais une fois encore, Dieu en décida autrement.
Avec du recul, je peux dire que je me sens guidée par le Seigneur. J’ai la chance de n’avoir jamais remis en cause ma vie religieuse, j’y ai trouvé le bonheur, même si j’ai eu des interrogations sur la vie monastique plutôt que la vie apostolique. Mais c’était l’illusion de la crise de la quarantaine. J’ai rencontré de belles amitiés et ma vocation tournée vers les autres, me comble de joie.
Qu’est-ce qui vous touche le plus chez Saint François ?
Ce qui me touche le plus chez Saint François, c’est son humilité et sa vision de la pauvreté. La pauvreté, non comme une restriction mais comme un partage. C’est pourquoi je ressens une grande joie lorsque des gens nous rendent visite ou que des groupes viennent chez nous : cela incarne la Fraternité, si chère à François. Nous devrions faire vœux de partage plutôt que de pauvreté ! Nous parlons de désappropriation car il est important de se battre avec soi, avec son orgueil… j’aime construire, faire des projets mais avec les autres. Je suis entière, j’aime bâtir, prier, contempler et essayer d’ être une vraie fille de saint François.
Est-ce que vous avez pu vous fixer des objectifs, des grands axes pour la Communauté Franciscaine de Deauville ?
Nos grandes orientations se trouvent dans nos constitutions : être sœurs de tous, quel que soit l’âge, les origines, la condition ou la religion… rester unies et accueillir tout le monde, sans prosélytisme, ce qui me tient particulièrement à cœur. Chaque rencontre est précieuse, unique, rare.
Quels sont vos apports diriez-vous pour la Communauté des sœurs de Deauville ?
Je n’ai rien changé de fondamental. J’agis selon ma nature en accueillant pleinement les personnes, me basant sur ma culture et mon tempérament. Je suis à l’aise à la manière de saint François qui était aussi heureux avec les « podestats » (maires) ou l’évêque » comme avec des personnes modestes et quiconque. Responsabiliser et déléguer sont des soucis permanents de ma vie ici. J’aime les sœurs dont j’ai la responsabilité et nous sommes ensemble, sœurs de tous…
Merci Sœur Brigitte d’avoir eu la gentillesse de m’accorder cet entretien vivant et riche en Espérance.
Propos recueillis par Nadine Deswasière, Franciscaine séculière de la Fraternité Saint Bonaventure de Deauville.